Création de Claude Aymon pour la Wei Dance Company et sa propre compagnie, c2a,

c'est une pièce qui s'articule autour de deux duos mixtes mêlant deux danseurs des deux compagnies :

Une danseuse taïwanaise et un danseur français.

Un danseur taïwanais et une danseuse française.


Elle est inspirée de la Saint-Valentin chinoise,

qui est célébrée le septième jour du septième mois du calendrier lunaire chinois.


Selon la tradition, un jeune bouvier et une fée ont été séparés alors qu'éperdument amoureux.

La pluie est faite de leurs pleurs de ne pas pouvoir vivre ensemble.


Ils ne sont autorisés à se revoir qu'à la Saint-Valentin,

la septième nuit du septième mois.


La pièce s'est créée a à la fois en France et à Taïwan, avec une première taïwanaise en août 2014 et une première française en février 2015.

lundi 11 mai 2015

la Septième Nuit en France - la dernière


En famille,
danser cette belle aventure, encore et encore, 
vivre d'autres au revoir





La fameuse dernière …
Celle que l’on aime parce que tout roule mieux qu’avant,
tellement mieux que l’on aimerait en faire encore,
et encore,
cinq, dix, cinquante.
Je n’ai jamais assez tourné une pièce pour m’en lasser.
Je sais que dans certaines grandes compagnies cela arrive.
Qu’est-ce que ça doit faire de se dire avec dégoût « allez on y retourne … encore ! » ?
Ça doit faire bizarre,
dans la tête, le coeur,
le corps.

J’ai donné rendez-vous à tout le monde vers 13h30
pour éviter les malentendus la veille.
Nous sommes tous au théâtre avant 14h.
On prend les choses tranquillement,
autour d’un café,
à discuter des soirées précédentes,
de tout, de rien.

Éric, sur le ton de la plaisanterie, me fait une remarque sur tout ça.
Était-ce la peine que l’on arrive si tôt ?
Oui,
sans aucun doute.
Je crois qu’on a vraiment besoin de ce temps.
À rester là,
ensemble,
tous,
une dernière fois.
Hier, le chapitre des « au revoir » s’est ouvert avec le départ de Mike.
Ce soir,
on dira au revoir à Fred, à Éric,
Wan Zhu et Cheng Wei ne vont peut-être jamais les revoir.
Ils diront aussi au revoir à Sylvain, qui ne pourra pas venir avec nous à l’aéroport demain.

Demain.
Ils nous quittent demain.
Cela va être violent.
Pour avoir connu la situation là-bas, j’appréhende autant qu’eux, si ce n’est plus.

14h30.
La barre.



Fred me dit qu’il aime bien ma première musique.
Je lui enverrai.
On fait le quatuor central,
le 7 temps,
pour nous mettre définitivement en route.
Les corps sont fatigués,
les coeurs mélancoliques …

Je demande ensuite à tout le monde,
s’il veut revoir une partie en particulier.
Non non, ça va comme ça.

Je laisse chacun vaquer à sa préparation.
Comme il le sent.


Aujourd’hui,
et comme souvent quand c2a présente les spectacles à Marseille le dimanche en matinée,
le public sera familial.
Les mères sont là,
celle d’Élise,
la mienne (dont on m’annonce l’apparition devant les portes du théâtre dès 15h !),
Silvia qui a dansé avec moi aux tous débuts, qui vient avec sa fille et aussi sa mère,
Marie qui vient avec son mari et aussi sa fille,
il y aura probablement de mes élèves ados qui auront traîné leurs parents,
et globalement, tous ceux qui bossent en semaine et qui aiment amener leurs enfants au spectacle.

15h30.
Marion vient d’arriver.
On est tous au sol quand Éric nous annonce l’ouverture des portes du théâtre.


Certains de nos amis habitués poussent la porte de la salle pour nous dire bonjour.
Ils ne restent pas longtemps.
L’atmosphère est encore plus calme que d’habitude.
Parce que pour les taïwanais, c’est toujours comme ça dans un théâtre,
parce que nous sommes tous déjà un peu tristes,
parce que nous voulons être le mieux possible pour cette dernière fois.

15h40.
Les rituels d’avant-spectacle.
Le hug et le reste (que je ne vous dévoilerai toujours pas).
On part dans la loge.

15h45.
Dernier hug entre danseurs.
Élise part au comptoir du bar.

15h50.
Nadia,
dont je vous ai déjà parlé,
elle croît qu’elle va être à la bourre.
Je vais faire traîner un peu.
De toute façon, le public est au bar et n’est pas trop regardant.
On est en matinée,
si on finit un petit peu plus tard, ça ne devrait pas être un souci.
Et puis ça fera quelques consommations de plus pour le théâtre …


16h.
Claude s’impatiente.
Alors rassurez-vous, je ne parle pas de moi à la troisième personne.
En dehors de Mike, Éric et de quelques autres,
il y a au théâtre une autre équipe,
des passionnés de cinéma,
Hélène et Claude,
qui organisent un festival début juillet : images contre nature.
C’est grâce à eux que le théâtre possède de quoi projeter des images.
Ils nous prêtent leur matos gratuitement.
Comme tous ceux qui nous ont aidé sur ce projet, je ne les remercierai jamais assez.
Hélène et Claude, en bons habitants du lieu, suivent mon boulot depuis que je suis là,
le défendent même à l’occasion
(je me souviens de longues discussions d’Hélène avec des spectateurs lors de « ma collection particulière » il y a deux ans) et leurs retours sont toujours riches en information,
sur ce qu’on a fait, consciemment ou pas.

Claude n’est pas comme Éric …
L’heure c’est l’heure.
Je lui demande de patienter cinq minutes.
Nadia ratera peut-être un peu du duo au bar …

16h05.
Musique.
Wan Zhu ouvre la porte,
je la suis.
Nadia est là …

Pour la dernière fois, on enchaîne toutes ces choses
imaginées, réglées, modifiées, ratées, corrigées, réussies pendant ces …
dix jours
On a quand même monté les trois quarts de cette pièce en dix jours !
Et on s’en est plutôt bien sorti.
En tous cas, c’est mon sentiment quand je laisse Élise pour remonter dans la salle
et me préparer pour le monologue en criant « merde » à Sylvain et Fred.

16h13.
Les talons d’Élise,
le pas pressé de Cheng Wei,
le public,
nous n’avons plus de questionnaires,
dommage …
Comme prévu, l’atmosphère est familiale,
les gens parlent beaucoup.
Ils prennent bien plus de temps que les autres jours pour s’installer,
un peu trop …
Fred qui a le rythme du spectacle en tête, baisse la lumière de la salle pour presser les gens,
on fait la demie salle in extremis ,
noir salle,
j’enchaîne.

Autre public,
autres réactions,
des rires à d’autres moments (y compris à des endroits que je ne trouve pas drôles),
des remarques lancées à voix hautes
comme les ados qui reconnaissent les danses testées sur elles (c’est notre danse !)
ou pendant le monologue de Cheng Wei où une voix s’élève pour demander un résumé en français (heureusement qu’il ne comprend pas)

17h15,
les dernières notes au carillon s’égrènent.
Il n’y a pas d’amour heureux.


Voilà,
c’est fini.
Premier salut,
nous partons en coulisses.
Je regarde Wan Zhu qui retient ses larmes,
je la serre fort dans mes bras.
Deuxième salut,
je serre sa main très fort.


Troisième salut,
Élise fait monter sa fille sur scène.

Un dernier salut.

Comme nous sommes dans la coulisse à jardin,
Wan Zhu et moi devons traverser la scène pour rejoindre la loge à cour
(je vous avais dit il y a maintenant quelques articles qu’il n’y avait pas de passage de jardin à cour).
On attend un peu que le public retourne au bar pour sortir des coulisses.

Quand j’apparais derrière le rideau,
Marie fonce sur moi les yeux rouges,
et fond en sanglots.
Très émue par le spectacle,
et aussi par le fait que, pour la première fois,
elle ne soit pas à mes côtés,
sur scène.

Je la console un peu.
Comme Wan Zhu nous a discrètement laissés pour rejoindre les loges,
nous partons rejoindre tout le monde.
Nadia nous a devancés.
Je fais les présentations et les laisse discuter (Nadia est bilingue, elle fait le lien),
le temps d’aller voir quelques personnes qui attendent pour me saluer avant de partir.
Les gens sont très émus,
plus que les deux autres jours,
la douceur et la mélancolie qu’il y a eu entre nous a largement débordé du plateau.
L’avantage des petits théâtres.
Notre envie, plus grande que jamais, de partager cette dernière fois avec le public.

Quand je reviens dans les loges,
tout le monde pleure !
(à part Cheng Wei bien-sûr, égal à lui-même)
On en rit.
Forcément.
Une fois les esprits à peu près retrouvés,
nous ouvrons une dernière fois (ou presque) cette porte qui a caché notre trac.
C’est l’heure du dernier verre au bar.
La bière de Wan Zhu,
mon (mes …) verre (s …) de vin blanc,
on parle un peu avec les spectateurs qui sont restés
pendant que Juliette (la fille de Marie) et Constance (la fille d’Élise) jouent tous les recoins du théâtre
et … répandent des paillettes un petit peu partout.
Wan Zhu fait toujours autant d’effet,
l’émotion est le mot qui revient le plus souvent dans les conversations.

19h,
les au revoir,
épisode 2,
nous quittons le théâtre,
et nous retournons au Bistrot de l’horloge.
Wan Zhu veut remanger une soupe à l’oignon.

Contrairement au 14 février,
la table est plus grande.
Il y a Éric du théâtre,
Élise et sa fille,
Cheng Wei et Wan Zhu,
Fred et Sylvain,
Nadia et Marie avec Éric, son mari, et Juliette sa fille.
Un repas de famille.

Wan Zhu a sa soupe !
Dans un format XXL spécialement créé pour elle.


Épisode 3,
après le repas,
on dit au revoir à Fred et à Éric,
qui ramène Élise que nous verrons demain à l’aéroport.

Demain …

Il est presque 23h quand je ramène nos amis chez Jennifer,
nous passons devant le théâtre,
pour la dernière fois …
La grille est fermée,
comme au premier jour,
le 6 février,
quand je les amenais à Allauch et qu’ils découvraient tout ça.

Arrivés là-haut,
nous buvons un dernier verre et Sylvain fait un petit tournage,
une interview de Wan Zhu et Cheng Wei sur toute cette aventure.
On ne sait pas trop ce que l’on va en faire,
on verra bien.

Épisode 4,
Sylvain leur dit au revoir.

Je suis trop fatigué pour être triste,
c’est très bien comme ça.

Il est plus de minuit quand nous quittons la jolie maison à la campagne,
on est déjà demain.
Demain …


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