Création de Claude Aymon pour la Wei Dance Company et sa propre compagnie, c2a,

c'est une pièce qui s'articule autour de deux duos mixtes mêlant deux danseurs des deux compagnies :

Une danseuse taïwanaise et un danseur français.

Un danseur taïwanais et une danseuse française.


Elle est inspirée de la Saint-Valentin chinoise,

qui est célébrée le septième jour du septième mois du calendrier lunaire chinois.


Selon la tradition, un jeune bouvier et une fée ont été séparés alors qu'éperdument amoureux.

La pluie est faite de leurs pleurs de ne pas pouvoir vivre ensemble.


Ils ne sont autorisés à se revoir qu'à la Saint-Valentin,

la septième nuit du septième mois.


La pièce s'est créée a à la fois en France et à Taïwan, avec une première taïwanaise en août 2014 et une première française en février 2015.

jeudi 14 mai 2015

la Septième Nuit en France - le début de la fin de l'histoire (1)


Retour à la case départ,
Ils s'en vont
et ça ne fait pas du bien




9h30.
Je pars les chercher.
C’est le premier dernier jour.
Les derniers au revoir pour eux,
pour moi, il reste Sylvain, jusqu’à demain.

Je fais la route habituelle,
on a prévu de partir à 11h de chez Jennifer et Gaby.
J’arrive chez eux à 10h30.
Pour une fois, je suis en avance.

Nous avons le temps de partager un dernier café.
Jennifer me raconte que Wan Zhu a pleuré ce matin,
elle a eu le malheur d’écouter une chanson un peu triste en préparant le petit déjeuner.
Mais quand j’arrive, tout le monde a le sourire,
en apparence …



On organise le contenu des valises.
Pas de liquide, pas trop de surcharge.
J’ai le souvenir d’un paquet de farine, et d’un mini bidon de ketchup artisanal que des amis m’avaient offerts quand je rentrais de New-York,
ils étaient restés à la douane.
Je ne veux pas qu’il leur arrive la même chose avec les pots de confiture maison.

Une fois tout rangé de la manière qui nous paraît la plus adéquate,
Gabriel se propose de ranger les valises dans la voiture.
« c’est un pro pour ça ! » me dit Jennifer.
Ça m’arrange bien.
Et c’est vrai que Cheng Wei a quand même plus de place qu’à l’arrivée.


Il est 11h.
Nous n’avons plus le choix.
Jennifer a les larmes aux yeux,
Wan Zhu éclate en sanglots au premier hug.
Cheng Wei a ce sourire poli que je lui connais trop …

Je remercie Jennifer pour leur accueil,
je lui offre les cours jusqu’à la fin de l’année.
Elle refuse (mais elle n’a pas le choix !).
Sans elle, les choses auraient été bien différentes.
Je lui demande si elle ne redoute pas de retrouver la maison un peu plus vide.
Elle me dit qu’ils partent en Bourgogne pour quelques jours et que ça tombe bien.

Un dernier au revoir à travers les vitres de la voiture et nous quittons Bon Rencontre.


Il n’y a pas trop de circulation,
et je ne suis pas encore triste.
Ça me permet de tenter de dire des choses qui les font sourire.
Je rappelle les blagues que l’on s’est fait ces dix-huit jours.
Wan Zhu sourit,
Cheng Wei … a toujours le même sourire.

L’autoroute,
Ikea,
la voie rapide,
on laisse la ville de Marignane sur notre gauche et du haut du talus …
L’aéroport est là.

Je me gare.
Nous sommes dans les premiers à enregistrer les bagages.
Et je découvre une chose,
en regardant les cartes d’embarquement :
Wan Zhu s’appelle Wan Chu.
Mais ça ne se dit pas « dchou » ni « dzou »
c’est entre les deux …

Peu importe,
pour moi c’est trop tard,
elle est Wan Zhu à jamais.

Il y a une valise un peu trop lourde.
On gère.
L’hôtesse au sol est assez désagréable.
Elle se radoucit quand je lui parle en français,
c’est bien dommage …

Le jour où les personnels de gare et d’aéroport se rendront compte que c’est souvent à eux que les étrangers parlent pour la première et pour la dernière fois, peut-être qu’ils mettront d’autres choses sous le vocable « accueil ».
J’ai le souvenir de mon dernier départ de Kaohsiung ..
Et de tant d’autres.

Nous sommes très en avance.
Cheng Wei profite pour acheter des mugs Starbucks à l’effigie de Marseille.
Commande de la famille.
Ils étaient aussi de récupérer la TVA sur leurs achats.
Hélas, ils n’ont pas acheté assez.

On trouve un bar à l’étage,
un peu chic,
et probablement un peu trop cher pour mon portefeuille,
mais tant pis, on vaut bien ça.

Message d’Élise,
elle est en route.
Je les fais dédicacer une affiche pour Silvia qui est venue hier.

On voit Élise arriver,
les yeux rouge,
déjà.
Wan Zhu retient ses larmes.
On partage un dernier verre.
Bière pour tout le monde.


On fait des blagues,
on rit,
pour cacher notre peine.


Cheng Wei me trouve fatigué.
Il décide de me faire un massage.


13h.
Mon coeur se serre.
C’est le dernier quart d’heure,
je ne dis rien,
on fait quelques photos souvenirs,
comme celles des jours précédents,
comme si demain on allait encore en faire.


13h15,
on n’a plus le choix.
Wan Zhu pleure à nouveau entre deux sourires,
Cheng Wei part aux toilettes,
Et revient anormalement rouge …
Mais avec ce putain de sourire.

On descend au rez de chaussée.
C’est là qu’ils vont passer les contrôles de passeport et de sécurité.

13h20,
on est à la barrière.
Je serre Cheng Wei dans mes bras,
il retient un sanglot,
je lui dis qu’on se revoit très vite,
qu’il a été exemplaire,
qu’il faut qu’il fasse attention à lui,
et qu’il surveille un peu Wan Zhu aussi
(même si je pense plutôt que c’est à elle de jeter un oeil sur lui).

Puis, il tombe dans les bras d’Élise,
et j’attrape Wan Zhu,
comme dans la pièce,
avec cette même sensation que je pourrais écraser cette petite femme si forte au physique si fragile.
Entre deux sanglots, elle me dit : « thanks for everything ! »
Je lui rappelle ce qu’elle m’avait dit l’été dernier,
il n’y a que cinq mois jusqu’à la prochaine fois où on se revoit,
enfin, si j’y retourne l’été prochain …

C’est un déchirement.
Ils passent le premier contrôle.
Dans les premiers virages de la file d’attente, ils nous prennent en photo.


On reste là,
Élise et moi,
à les regarder jusque ça soit possible.
Ils se retournent.


Ils disparaissent.

On repart à la voiture.
Sans un mot.

Je passe la barrière du parking avec cette voiture anormalement vide.
Le silence raisonne de nos voyages,
de nos fatigues, de nos fous rires,
de nos stress,
de cette aventure commencée un 13 août 2013 et qui allait nous lier bien plus encore que je ne l’imaginais.

On a fait un peu plus d’un kilomètre quand Élise prend ma main.
Nous sommes bien malheureux.

Je brise le silence,
en parlant de la veille, du beau temps, d’autre chose …
Faire semblant pour ne pas pleurer à nouveau.
Normalement, je devais l’amener à l’hôtel où dort Sylvain.
Il devait l’interviewer comme les deux autres.
Mais je me dis qu’il faut qu’on laisse redescendre les choses,
le temps que les émotions se rangent.
J’appelle Sylvain et je lui propose d’aller voir la mer.

On va à l’Estaque.
Un petit port de pêche à l’extrême nord de la ville.
On s’installe sur une terrasse au soleil.


Élise et Sylvain ont acheté des panisses et des chichis.

Alors,
les panisses,
c’est une spécialité italienne, devenue marseillaise, à base de farine de pois chiche.
Ça se présente sous forme de rouleaux, que l’on coupe en tranche pour les faire frire.
Les chichis, ce sont des beignets cousins éloignés des churros.
Toute la Méditerranée est là.
Des choses qu’ils n’ont pas eu le temps de gouter …
Dommage.

Le soleil est doux.


Comme le regard de Sylvain,
qui comme à mon premier retour de Taïwan,
le tout premier il y a bientôt cinq ans,
ne dit rien,
et comprend.


Quand à nos amis,
ils sont dans l’avion.


en route pour Istanbul,
Bangkok …
Et Kaohsiung,
où ils n’arriveront que demain.


L’histoire est presque finie,
je crois que c’était bien.




2 commentaires:

  1. il y a une suite Claude? moins triste? je pleure comme une madeleine...

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